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Le mal développement (3)

Le mal développement algérien

Par Ammar Koroghli*

De l'austérité au rééchelonnement
Face à l'austérité frappant de plein fouet la société algérienne, depuis de nombreuses années déjà, bien des analyses émanant d'hommes politiques et d'universitaires connus sont venues plaider la cause de l'économie devenue l'objet de sollicitudes renouvelées. Ainsi, Le Gaz algérien. Stratégies et enjeux(1) de M. Belaïd Abdesselam est présenté comme « le livre le plus tonique de la décennie qui, sous des allures de règlement de comptes, offre une décapante analyse de la grandeur et mesquinerie du Pouvoir »(2). La question se pose de savoir si le « père de l'industrialisation algérienne » n'a pas tout simplement entendu procéder à un plaidoyer pro-domo afin de tenter de réhabiliter un tant soit peu la stratégie de développement centrée sur les industries industrialisantes financées par les recettes provenant des hydrocarbures.
A cet égard, sachant que l'économie algérienne repose sur une seule source d'accumulation et, partant, du principe que l'échange inégal existe toujours, Abdelmadjid Bouzidi (universitaire et conseiller économique du Président Zeroual) pense que celle-ci a besoin d'un ajustement de ses structures en prenant, néanmoins, soin de noter : « Il ne peut y avoir en Algérie - ni d'ailleurs dans d'autres pays en développement - de solution libérale à la crise »(3) ; crise se caractérisant par les problèmes encourus par l'appareil de production dès lors que les entreprises publiques rencontrent des difficultés dans le remboursement du Trésor qui s'endette lui-même auprès de la Banque centrale d'Algérie.
Aussi, toute la question fut de savoir s'il faut maintenir les fondements de la politique économique ­p; dite de rente - qui a eu de plus en plus recours à l'endettement pour doter le pays d'une structure économique forte, par l'investissement, selon ses promoteurs. Pour ses détracteurs, cette politique a tout simplement conduit à la répartition de la rente provenant de la vente des hydrocarbures : répartition inégale d'évidence selon que l'on soit au sommet ou à la base, en vue d'acheter la paix sociale. M. Bouzidi constate que « jusqu'à la deuxième moitié de la décennie 1980, il n'y a pas eu de gestion de la dette », préconisant l'idée selon laquelle les choix économiques en Algérie étaient judicieux (ceux des années 1970). Or, l'endettement a été gonflé du fait de manipulations concernant la valeur du dollar et les termes de l'échange. Il pense que « la dette n'a pas été fondamentalement mal utilisée »(4).
Le règlement de la dette passe donc par la gestion de celle-ci. Pour cela, il faut une stratégie de mobilisation de l'épargne nationale non résidente, quitte à faire des concessions politiques « car l'investissement privé ne vient pas uniquement par intérêt économique », d'où l'idée d'avoir une stratégie politique claire pour éviter de faire basculer l'Algérie dans une logique économique libérale, surtout que « les statistiques sont mauvaises, à propos du chômage par exemple. Les indicateurs économiques utilisés sont des indicateurs de lutte d'appareils ». En conséquence, M. Bouzidi déclare être pour une renégociation de la dette plutôt que pour le rééchelonnement dans la mesure où il s'agit d'abord d'analyser cette dette à partir des hydrocarbures. Dans le même ordre d'idées, l'ex-ministre des Mines, Sadek Boussena explique à cet effet que « la solution est universelle. Elle consiste à rentabiliser l'économie nationale et à la rendre crédible car, face à la dette, il faut considérer tous les aspects : nos capacités de remboursement mais aussi d'endettement nouveau et encore de remboursement ».
Il ne faut donc pas s'appuyer uniquement sur les hydrocarbures car c'est là une solution de facilité. Alors, fallait-il rééchelonner ?
M. Boussena croit qu'« il est possible pour nous d'éviter de recourir au rééchelonnement. La seule voie est la voie la plus compliquée. Elle suppose un effort d'imagination et d'organisation de notre économie », d'où l'idée de réformes à entamer induisant une rigueur « accompagnée de justice sociale » avec un remboursement rubis sur l'ongle possible(5). Pour les perspectives, il souligne qu'« avec la loi sur le crédit et la monnaie, il y a un encadrement et un suivi meilleurs à partir de la Banque centrale pour éviter de s'endetter là où il ne faut pas ». En définitive, pour lui : « L'Histoire a montré que tous les pays qui ont eu recours au rééchelonnement se sont retrouvés avec un volume de la dette plus grand et avec comme seul résultat d'avoir été obligés de prendre des mesures impopulaires et de perturber l'économie. »
A s'en référer à un autre économiste algérien, Sid Ali Boukrami, il y a lieu d'abord de constater que plus de 70 % de nos recettes d'exportation sont destinées au remboursement de la dette, sachant que celle-ci est due au marché financier international où les prêts se font en yen, deutschmark ou en franc français, de manière à tempérer les risques de change sur l'emprunteur. Alors renégocier ou rééchelonner ? « Il faut renégocier la dette, revoir les conditions avec nos partenaires en donnant des garanties qui peuvent être un programme de développemnt très solide C'est un discours idéaliste que de dire : on rejette la division internationale du travail » « () L'essentiel, c'est qu'on améliore les conditions de performance de l'économie nationale vis-à-vis de la concurrence internationale » « () Je préfère un programme d'ajustement avec le FMI que de prendre des crédits à court terme, à n'importe quelle condition »(6).
Pour M. Hadj Nacer, alors gouverneur de la Banque d'Algérie, il y a lieu de relever que les emprunts extérieurs ont servi à financer des programmes d'investissement publics massifs, la perte des investissements orientés vers la production de biens intermédiaires et de biens de consommation a été relativement faible, l'appareil de production exige un volume d'importation élevé pour son approvisionnement en matières premières, biens intermédiaires et, pour sa maintenance, une importation incompressible de biens de consommation principalement alimentaires. Aussi, face à le dette qui s'élevait à 25,3 milliards de dollars à la fin de 1989, les autorités monétaires algériennes ont développé
« un programme de gestion active de la dette ». Ainsi, analysant les perspectives d'évolution du service de la dette extérieure, trois scénarios étaient, semble-t-il, possibles : « Evolution normale, sans refinancement ni rééchelonnement ; rééchelonnement ; refinancement et "zéro-coupon" (remboursement du principal des emprunts) » (7).
En tout état de cause, si le problème de l'endettement constitue effectivement un casse-tête, force est de constater que la proposition de l'« après-pétrole » fut développée en pure perte. Ainsi, l'idée de « vendre le quart du gisement de Hassi Messaoud » renvoie à celle de la baisse de la production pétrolière comme cause principale des problèmes du pays. Du reste, ce sont les paiements du service de la dette qui se sont révélés être des difficultés puisqu'ils ne représentaient que
10 à 35 % environ des exportations en 1970, alors qu'ils oscillent actuellement entre 70 à 80 %. Et dire qu'en toute vraisemblance l'Algérie ne sera plus exportatrice de pétrole vers 2020 ! Faut-il, dans ces conditions, pour résorber ce « casse-tête faire appel à la technologie en vue de développer la production avec les fluctuations du marché que l'on connaît ou, a contrario, chercher à conserver les gisements de pétrole ? » A cet égard, pour M. Ghozali ­p; alors Premier ministre - : « Il vaut mieux exploiter à outrance les capacités pétrolières du pays pour garantir un développemnt harmonieux aux générations futures que de laisser ces réserves à cette même génération qui sera en butte à un affreux sous-dévéloppement. »(8) Par ailleurs, si l'Algérie a abouti à la nationalisation du pétrole à 100 % (51 % en 1971), il a déclaré : « Hassi Messaoud, l'un des plus grands gisements du monde, je suis prêt à en vendre - et je le ferai - le quart. Cela doit me permettre de sortir du cercle infernal de l'endettement. »(9) On comprend dès lors pourquoi le problème du rééchelonnement a constitué un point d'achoppement entre le Pouvoir et l'opposition. A l'origine, la diffusion d'une copie d'une lettre datée du
31 août 1990 adressée par Ghazi Hidouci, alors ministre de l'Economie, à la Banque mondiale où il a été souligné que « le gouvernement algérien est disposé à étudier avec vos services l'accélération des réformes économiques et des ajustements structurels qu'elles exigent »(10). Il s'agit là d'une demande d'accord sur la politique économique de l'Algérie avec les institutions financières internationales. On peut même dire qu'il y a là une définition claire du rééchelonnement qui implique notamment l'arrêt des subventions à l'appareil de production, d'où la compression importante du personnel opérée dans le secteur public économique et la fermeture d'un certain nombre d'entreprises et la libéralisation du commerce ­p; en tout cas des prix - mettant hors de portée du consommateur maints produits essentiels au quotidien et préfigurant des coupes sans doute allant crescendo dans le budget de l'Etat, qui n'a pourtant pas cessé de discourir sur la justice sociale.
Selon M. Hidouci : « Ces institutions soutiennent les politiques de réformes, et nous n'avons fait que demander nos droits au financement à long terme. Par lettre, nous avons demandé aux institutions multilatérales de soutenir et d'approuver notre programme. Nous n'en avons négocié aucun. »(11) A cet égard, à en croire l'ex-gouverneur de la Banque d'Algérie, Hadj Nacer : « L'Algérie ne rééchelonnera pas. Techniquement, le rééchelonnement n'est pas justifié pour l'Algérie parce que la dette algérienne n'est pas rééchelonnable Lorsqu'on est en rééchelonnement, les banques, le marché de capitaux vous classent définitivement comme un pays qui n'a pas su faire face à ses obligations, donc un pays à hauts risques, insolvable. Et si on est étiqueté insolvable, on en a pour 30, voire 50 ans Les pays qui ont commencé à rééchelonner dans les années 1970 en sont encore à rééchelonner. »(12) Davantage encore. Suite à l'arrêt du processus électoral, la cause principale repérée comme le point d'ancrage de tous les maux du pays fut la situation économique qui, dans sa dégradation chronique, entraîna des problèmes sociaux sans équivalent dans l'histoire algérienne, depuis l'indépendance. Parmi les points ayant focalisé l'attention des directions politiques - les décideurs - figure le problème de le dette. A cet effet, la question se posa de savoir s'il fallait rééchelonner ou non celle-ci. Le Pouvoir fut partagé quant à l'attitude à adopter à ce sujet pour faire reculer le spectre d'un non-dit : la perte du contrôle des leviers de commande de l'Etat, nonobstant les échecs antérieurs en matière de politique économique. Ainsi, succédant à M. Ghozali ­p; dont le gouvernement n'a pas tranché la question -, M. Abdesselam fit, lui aussi, de la question de la dette la pierre d'angle de sa politique. Il préconisa l'application graduelle de l'ajustement structurel ; autrement dit, en dernière instance, l'application du credo du FMI de façon non brutale : dévaluation du dinar, politique budgétaire restrictive, liquidation d'entreprises publiques. Conséquence pévisible et redoutée : la dégradation du pouvoir d'achat des plus démunis et licenciement en série. Ainsi, on retomberait dans le schéma que l'on cherchait à éviter et qui aurait fait seul le lit de la violence islamiste grâce au recrutement opéré dans le vivier des « lumpen ». Alors, question cruelle : pourquoi cet absurde masochisme : aller quémander sa pitance au FMI qui impose l'« ajustement » et débouchant sur une situation que l'on jurait vouloir éviter ? La démarche dite « nationaliste » du gouvernement Abdesselam fut fondée sur une « austérité consciemment acceptée ». Ici, une triple observation s'impose : d'abord, l'austérité existe depuis bien longtemps
(l'indigence des « rurbains » s'offre à l'analyse à l'il nu). Ensuite, l'adverbe « consciemment » préjuge de la capacité
plusieurs fois décennale de la « qanâ'a » algérienne et nombre de fois dévoyée. Enfin, « acceptée », nous dit-on. A t-on donc effectivement donné aux citoyens l'occasion de consentir depuis l'indépendance à quoi que ce soit ? En conséquence, abstraction faite de la crainte des organisations patronales quant à la résurgence du « dirigisme » (comme si les Etats constituant des modèles impérissables de certains esprits « éclairés » algériens ne dirigeaient pas, comme si les multinationales se gênaient d'occuper la moindre parcelle libérée par les pays vivant des difficultés économiques), force est de constater que Abdesselam préconisa, en réalité, la « maîtrise permanente de l'Etat » sur la conduite de la transition vers l'économie de marché. Le point de vue de l'ex-ministre délégué aux PME-PMI, Rédha Hamiani, permet de montrer que nous sommes en présence d'une comédie sans nom. Ainsi, il se demande « si nous pouvons nous défendre, dans quelque secteur que ce soit, de la production nationale face à la concurrence ». Et comment ! Avec quels moyens, en effet, l'appareil de production qui tourne dans le meilleur des cas à 50 % de ses capacités peut-il espérer survivre à l'assaut des multinationales issues de l'ère de l'économie informatisée ? Qui trouvera son compte dans cette mascarade concoctée, une fois de plus, par une élite technocratisée, si ce ne sont les bénéficiaires des subsides du FMI et ceux détenteurs par quantité exponentielle du dinar, travesti pour l'occasion en monnaie de singe ? A cet égard, M. Hamiani le dit sans ambages : « Nous ne sommes pas en mesure de faire de la morale. Si nous étions dans une situation florissante, il serait possible de faire le distinguo entre argent propre et argent sale et éviter que celui-ci ne soit investi chez nous. Cette liberté peut profiter à l'argent d'origine mafieuse qui risque de venir en Algérie. » C'est manifestement clair et sans commentaire. Il reconnaît d'ailleurs que « des masses monétaires énormes en dinars circulent sur le marché informel qui alimente, dans l'opacité, le petit commerce et les spéculateurs »(13). Peut-être est-ce là un secret de Polichinelle ! Dans ces conditions, une partie de la solution au redémarrage sérieux de l'économie ne consisterait-elle pas d'abord à tenter de mobiliser l'épargne interne et la drainer vers des activités utiles à la collectivité nationale ? Certes, cette tentative n'est pas une sinécure à côté de la négociation avec les experts du FMI rompus à l'effet d'amener les économies dépendantes à la périphérie des économies informatisées. Il est vrai aussi que l'Algérie s'est trop gargarisée d'illusions. En tous cas, pour le défunt Aboubakr Belkaïd ­p; qui fut ministre de la Culture et de la Communication - : « Nous demeurons convaincus que c'est par la démocratie que nous pourrons redynamiser la société et lui permettre d'accéder le plus rapidement possible à une modernité universelle. » Hélas, que de vocables, une fois de plus, livrés en pâture à la conscience algérienne meurtrie d'autant qu'aucune référence n'est indiquée pour accéder à cette démocratie et cette modernité universelle. Au surplus, si les problèmes d'ordre économique - et singulièrement celui de la dette - ont été éclipsés par les difficultés inhérentes à l'instabilité politique due à la violence terroriste sans précédent vécue par l'Algérie depuis 1991, ils reviennent à l'ordre du jour. Ainsi, dans une allocution prononcée à l'ouverture d'une journée d'étude sur les perspectives de l'économie nationale, l'ex-Premier ministre ­p; Mokdad Sifi - indiqua : « Le recours au rééchelonnement de la dette de notre pays est intervenu dans une phase où l'Algérie ne se trouve plus en mesure de faire face aux échéances de remboursement de sa dette extérieure, d'une part, et de satisfaire, d'autre part, aux besoins essentiels de sa population et de son économie () Pour l'année 1994, l'Algérie ne peut raisonnablement espérer comme recettes d'exportation d'hydrocarbures que 8,1 milliards de dollars et qu'elle doit faire face à une dette à rembourser durant la même période de 9,5 milliards de dollars »(17), au moment où il n'est plus question que de relance de l'économie. Le gouvernement Ouyahia ne pouvait espérer faire mieux.
Dès lors, le credo économique se cristallisa autour du rééchelonnement de la dette, avec pour effet l'application pure et simple des mesures préconisées par le FMI : privatisation des entreprises du secteur public avec son cortège insoutenable de licenciements collectifs et leurs inévitables drames personnels et familiaux, libéralisation du commerce - intérieur et extérieur - avec pour corollaire la libéralisation des prix qui aboutit à leur flambée Le tout avec pour toile de fond l'insécurité alimentée par une violence quotidienne et l'instabilité dans le fonctionnement de toutes les institutions de l'Etat.
Les gouvernements Benbitour et Benflis - désignés tous deux par le Président Bouteflika -, qui n'ont pas manqué de passer leur oral devant le Parlement conquis par avance à ses thèses, par calculs politiciens, n'ont pu conjurer le sort en mettant en place une politique économique digne de ce nom, lui qui compte en son sein des économistes de renom. En tout état de cause, il n'est pas superfétatoire de rappeler que de 1986 à 1996 « le produit par tête d'habitant (indicateur de bien-être parmi d'autres) diminue de 46 %, passant de 2 850 à 1 520 dollars (), la ligne de pauvreté se relève, lors de cette période, enveloppant un pourcentage plus élevé d'Algériens ; ce dernier s'élève de 12,2 à 22,6 % en 1988-95 »(18). Le taux de chômage est, quant à lui, de 29 % compte tenu notamment de la suppression de milliers d'emplois due aux compressions de personnel et aux liquidations d'entreprises dans le secteur public.
Face à ces difficultés d'ordre socio-économique ayant durablement affecté les citoyens, l'Algérie continue de s'appuyer essentiellement sur les hydrocarbures dont la capacité de production de pétrole, dès le début de l'année 1999, a été portée à 1 million de barils/jour, les gigantesques réserves de gaz naturel étant estimées, quant à elles, à plus de 3 200 milliards de mètres cubes. Il semblerait, par ailleurs, que les rééchelonnements de 1994 et 1995 ont permis une embellie concernant les réserves de change puisque ceux-ci « se situaient encore à plus de 6,5 milliards de dollars à la fin de l'année 1998 »(19).
De même, ayant retenu l'option de l'économie de marché, l'Etat a procédé au recensement et à la cession de « son » patrimoine économique. Ainsi, « parmi les entreprises concernées, 13 ont une vocation touristique (dont 61 hôtels), 3 produisent des matériaux de construction (parmi elles 86 briqueteries), 12 travaillent dans le secteur de l'agroalimentaire et 5 dans le transport de voyageurs. S'y ajoutent certaines unités relevant des holdings Electricité, Electronique et Télécoms, ainsi que plusieurs sociétés de services. Une liste qui concerne au total près de 100 000 salariés »(20).
De la même manière, l'Etat a également procédé à la cession d'entreprises locales ; ainsi, « plusieurs centaines d'EPL (Entreprises publiques locales) ont changé de propriétaire, le gouvernement favorisant notamment la reprise des activités par les salariés. Cependant, sur 1 323 sociétés locales, 920 ont été dissoutes »(21). En ce sens, Ahmed Tibaoui, alors secrétaire d'Etat délégué aux Participations d'Etat, a pu indiquer : « Pour assainir le secteur public, nous avons fermé plus d'un millier d'entreprises. Et près de 160 000 emplois ont été supprimés entre 1996 et 1997. Au total, les effectifs du secteur public ont été réduits de 25 % », prenant soin de préciser que « nous avons déjà procédé à une réduction de la masse salariale, mais il y aura encore des compressions »(22). A cet égard, Hamid Temmar, alors ministre de la Participation et de la Coordination des réformes, mentionne les statistiques suivantes : 770 000 travailleurs dans le secteur public, « tous secteurs d'activité confondus » et 2,7 millions « et peut-être un peu plus », dans le secteur privé. Relativement à la privatisation, il indique : « Tout est privatisable et chaque fois que l'objectif est réalisable, nous ouvrirons le capital des EPE. N'en seront exclus que les secteurs qui relèvent de la souveraineté de l'Etat »(23), précisant, quant à lui, qu'il faut retenir l'horizon de 3 à 5 ans pour ce faire, les banques constituant la priorité des priorités en matière de privatisation.
En tout état de cause, en l'absence d'une politique économique crédible, la question se pose de savoir si l'option mise sur les hydrocarbures, les rééchelonnements et l'opération de privatisation constituent un atout certain en vue d'aboutir à une situation assainie de l'économie algérienne. N'y a-t-il pas un risque d'aboutir à des résultats mitigés ? La question se pose avec d'autant plus d'acuité que d'autres pays ayant tenté l'aventure du « tout privatisable » ont seulement permis à des « professionnels de l'économie de l'ombre » de prospérer et de mettre leurs pays en coupe réglée. Ainsi, dans le cas de la Russie, « ils sont 7 prédateurs à s'être partagé la Russie. 7 barons dont on murmure qu'ils font et défont les lois, nomment les ministres, quand ce n'est pas le Président lui-même. Il y a 2 ans, ils ont contribué à la réélection de Boris Eltsine » () ces nouveaux magnats russes, qui contrôlent plus de 250 sociétés et ont construit en un temps record des fortunes colossales, à la limite de la légalité. Pétrole, médias, télécoms, métaux, mines, automobile, en 5 ans, les secteurs les plus juteux ont été soigneusement quadrillés, le gâteau méthodiquement partagé avec la complicité de vieilles amitiés, quand ce n'est pas celle d'intérêts mafieux(24).
L'Algérie est-elle en train de subir le même sort ?
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* Avocat algérien, auteur. Paris
in Le Matin du 11.04.2004

Notes
1-Belaïd Abdesselam : Le Gaz algérien.
Stratégies et enjeux. Ed. Bouchène,
Alger, 1989.
2- Algérie Actualité du 28/12/89.
3- El Moudjahid du 12/3/90.
4- Algérie Actualité du 7/6/90.
5- Id.
6- Ibid.
7- Algérie Actualité du 18/10/90.
8- Jeune Afrique du 4/9/91.
9- Horizons du 19-20/7/91.
10- Algérie Actualité du 1er/11/90.
11- Id.
12- Algérie Actualité du 18/10/90.
13- Algérie Actualité du 5/10/93.
14- El Watan du 20/6/92.
15- Le Monde du 1/11/91.
16- El Moudjahid du 10/10/90.
17- El Moudjahid du 28/4/94.
18- El Watan du 26/1/99
19- Jeune Afrique du 26.1 au 1er/2/99
20- Idem.
21- Ib.
22- Ib.
23- El Watan des 5 et 6/5/2000.
24- Le Nouvel économiste du 27/2/98.






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Dernière modification : 10/05/2008 @ 15:32
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