En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies pour vous proposer des contenus et services adaptés. Mentions légales.

Bienvenue sur le site web de Ammar Koroghli

ALGÉRIE

MANIFESTE POUR LA DEUXIÈME RÉPUBLIQUE 

  Par Ammar Koroghli

 «On s’obstine à relancer sur le marché politique les vieilles élites corrompues, usées et discréditées» (Mostefa LACHERAF)

            Pour rappel, la République algérienne a connu autant de Constitutions que de Présidents. Tous illégitimes et quasiment tous ayant accouché d’une Constitution. Une donnée majeure et permanente : l’emprise du chef de l’Etat sur toutes les institutions, titulaire d’impressionnants pouvoirs, alors qu’il a été promis au pays « un Etat sérieux et régi par une morale ». Les scandales politico-financiers depuis ont achevé ce projet. Ainsi, à travers la Constitution de 1963, le président Ben Bella -civil appuyé par le FLN (alors parti unique)- et surtout la direction de l’Armée ont essayé le monocratisme partisan et l’autogestion pour quelques mois. Sans lendemain. Il fut déposé par un coup d’Etat à raison du culte de la personnalité.

            Boumediène, colonel à la tête d’un Conseil de la Révolution, a tenté le « socialisme spécifique » ayant abouti en fait à un capitalisme d’Etat périphérique et à un système politique investi par la Direction de l’Armée. Une forme de césarisme militaro-bureaucratique qui a verrouillé tout droit à l’expression à l’opposition et à la société civile. Au plan politique, des officiers supérieurs occupent (ont occupé) depuis des postes importants : président de la République, ministres, walis, PDG de sociétés nationales... La Constitution de 1976 -qui évoque six fonctions (et non pouvoirs)- fut sans doute davantage un moyen de tentative de légitimation du pouvoir alors en place qu’une ressource d’organisation des institutions et un renouvellement du personnel politique.

            Avec la Constitution de 1989, le président Bendjedid, colonel successeur à la présidence et candidat unique du FLN élu à plus de 99% des voix, a fini par mettre sous la pression de la rue et des ses pairs  une forme de multipartisme ayant abouti in fine à un système de parti dominant. Ce système est devenu depuis une « alliance présidentielle » s’apparentant à une pensée unique, pratiquant un libéralisme débridé ayant contribué à la constitution de fortunes diverses pour une minorité (financière, immobilière et foncière). Parmi les points nouveaux, dans cette Constitution, figurent la consécration du principe de la séparation du pouvoir et l’absence de référence à l’option socialiste. « Le droit de créer des associations à caractère politique est reconnu» et «la durée du mandat présidentiel est de cinq ans». Toutefois, cette Constitution fait l’impasse sur le nombre de mandats et du nombre des candidatures à la présidence de la République.

            Sans rupture déterminante, la Constitution de 1996 a eu tout de même le mérite de consacrer sur le texte l’alternance au pouvoir par la limitation des mandats présidentiels (deux quinquennats suffisent). En ce sens, l’Histoire devra gré au président Liamine Zeroual d’avoir tenté d’inscrire dans le texte fondamental ce principe essentiel à la démocratie.  La Constitution de 2008, tout en confirmant le président de la République dans ses impressionnants pouvoirs, a effacé d’un trait de plume ce principe.  Le Président continue d’être le centre du pouvoir. Premier magistrat du pays, ministre de la Défense nationale et chef des Armées, il nomme et démet le chef du gouvernement qui est responsable devant lui ; il légifère concurremment au Parlement par voie d’ordonnances pendant les périodes d’intersessions de l’Assemblée…

Constitution et système politique

            La stratocratie semble être la définition qui convient le mieux pour qualifier le système politique algérien (voire une oligarchie dès lors qu’on a affaire à un pouvoir politique fondé sur la prééminence de quelques personnes, « le cercle des décideurs »). Notre système politique a donc plus que jamais besoin d’être réaménagé. Ainsi, après avoir laissé présager une vie politique sous-tendue par le multipartisme -certes insuffisamment structuré-, l’élection présidentielle d’avril 1999 n’a pas permis de consacrer des traditions politiques durables en Algérie inspirées de la démocratie en tant que nouveau concept soumis à l’épreuve des faits. Depuis, le pouvoir demeure plus que jamais jaloux de son autoritarisme constitutionnalisé. Et pour cause, les principaux rouages de l’Etat (gouvernement, assemblée, armée, partis...) sont exclusivement aux mains de la gérontocratie ayant acquis de réels intérêts. Il s’agit là d’un affairisme d’Etat ; les affaires liées à la corruption révélées par la presse nationale le confirment. Feu Lacheraf a pu dire : «On s’obstine à relancer sur le marché politique les vieilles élites corrompues, usées et discréditées.»

            Pourquoi et comment réformer ? Pour mettre un terme au système politique dominé par l’institution de la présidence de la République et la direction de l’armée, ainsi que par une pensée unique imposée jusqu’au 5 octobre 1988. Le système actuel s’apparente à un parti dominant (conglomérat à plusieurs actionnaires politiques).  Face à la quasi absence de l’opposition sur la scène confirmant le déficit démocratique en Algérie, il faut avoir l’audace de s’engager dans la voie de la réforme de ce système pour redessiner le profil des institutions politiques algériennes et redéfinir les prérogatives de celles-ci en vue d’asseoir un équilibre des pouvoirs. Et non pas obéir à un quelconque réflexe de fait du prince miné par le culte de la personnalité. Et comme je n’ai de cesse de le dire, depuis de nombreuses années à travers les colonnes de la presse nationale, il y a lieu de mettre un terme à un exécutif inutilement bicéphale. En effet, il est manifeste que de la Constitution de 1963 à celle de 2008, les prérogatives dévolues à la fonction présidentielle sont exorbitantes.

            Les pouvoirs législatif et judiciaire étant inféodés au pouvoir exécutif, il est nécessaire que le constituant procède à une répartition du pouvoir d’Etat entre les principaux acteurs politiques. Voilà pourquoi l’équilibre des pouvoirs est une nécessité vitale pour éviter de s’enfermer dans un schéma d’autoritarisme caractérisé et de mépris affiché à l’endroit des autres institutions et du personnel politique, judiciaire et administratif. Il y a là les ingrédients pour une dictature présidentielle, d’autant plus qu’il y a irresponsabilité politique du chef de l’Etat. Ainsi, il y aura lieu de réfléchir à l’institutionnalisation d’un réel contre-pouvoir au sein de l’Etat pour permettre une émulation institutionnelle, synonyme d’une bonne santé de la gestion du pouvoir et de saines décisions démocratiques pour éviter au pays de sombrer dans l’immobilisme. Pour le contre-pouvoir, la meilleure antidote ne peut être constituée que par des organisations non gouvernementales gérées par des personnalités issues de la société civile, en ce qui concerne la veille quant aux droits de l’homme, la construction de l’Etat de droit, l’alternance au pouvoir, la liberté d’expression (presse et culture)...

            En ce sens, le Premier ministre (souvent désigné selon des critères de connivence politique, voire par compromis) n’est, somme toute, qu’un grand commis de l’Etat chargé d’une mission par le président de la République sans aucune volonté politique et prérogatives autonomes. Peut-il en être autrement, dès lors que les titulaires des principaux départements ministériels (Défense, Intérieur, Affaires étrangères, Economie, Justice) sont souvent des hommes liges du président de la République qu’il nomme pour leur allégeance à sa personne davantage qu’à une doctrine politique ? En la matière, la réforme serait purement et simplement de gommer l’institution du Premier ministère. Il me semble en effet qu’il y a une dyarchie inutile. La présence soutenue du président de la République lors des Conseils des ministres, en vue d’asseoir des décisions d’obédience nationale, démontre l’inutilité de cette institution que l’on peut juger inefficace. Il est vrai que la maladie du président actuel ne plaide pas pour cette solution au jour d’aujourd’hui. En contrepartie, en qualité d’expression de la légitimité démocratique, le Parlement doit pouvoir bénéficier de prérogatives à même de lui permettre de contrôler de façon efficiente la politique du gouvernement franchement dirigé par le président de la République. Il s’agit-là d’un élément structurant de la vie politique et constitutionnelle du pays. Quant aux ministres, il y a lieu de les faire bénéficier d’une autonomie indépendante de la volonté présidentielle à même de leur permettre d’apprécier les solutions à apporter aux secteurs dont ils ont la charge ; ce, sous la vigilance du Président en sa qualité de véritable chef de l’Exécutif.

Par ailleurs, on peut légitimement s’interroger sur l’existence d’une seconde chambre. Pourquoi un bicaméralisme là où une seule chambre n’arrive pas à exercer le peu de ses prérogatives constitutionnelles (la mise en place de commissions d’enquêtes par exemple alors que, selon la presse nationale, existent tant de scandales financiers). Le constitutionnalisme algérien n’explique pas les tenants et aboutissants de l’institution du Sénat (Conseil de la nation) dont le tiers dit « présidentiel » est désigné par le président de la République. En effet, dès lors que les différentes tendances politiques, couches sociales ou catégories socio-économiques, régions du pays, âges et sexes, sont sérieusement représentées au sein de l’Assemblé nationale, il me semble légitime de s’interroger sur l’efficacité de l’institution d’une seconde chambre. Dans ces conditions, le monocamérisme devrait pouvoir suffire aux besoins du parlementarisme algérien qu’il serait inutile de doper par l’élection d’une chambre qui alourdit de toutes façons le fonctionnement normal du système politique pour une meilleure lisibilité et transparence de la vie politique du pays.

            A cet égard, des Parlements régionaux seraient à même de palier l’absence d’une seconde chambre. Ainsi, l’Algérie n’a pas cru devoir explorer la donne de la régionalisation en tant que forme organisationnelle intermédiaire entre l’Etat et les Collectivités locales. Ces Parlements  devraient permettre une décentralisation et une déconcentration de certaines prérogatives dites de puissance publique entre les mains des représentants régionaux afin d’alléger l’Etat, en sa qualité de maître d’œuvre de la politique de la nation, de certaines tâches davantage techniques que politiques. Il y a donc lieu de réfléchir à la mise en place, dans un premier temps à titre expérimental, de régions avec assemblée régionale élue en tant que nouvelle entité politico-administrative.

            Quoi qu’il en soit, l’Assemblée nationale devrait regrouper tous les partis connus sur la scène politique - toutes tendances confondues - aux lieu et place d’un savant dosage obéissant beaucoup plus à des considérations d’alliances qu’à une authentique carte politique issue du suffrage universel (souvent manipulé en sorte que l’essentiel du pouvoir reste concentré entre les mains des décideurs politiques en leur qualité de géniteurs du système). C’est sans doute là une réforme d’Etat d’avenir. Il est vrai que la vie politique et constitutionnelle actuelle du pays s’apparente, par son caractère récidivant, à du présidentialisme (dégénérescence du régime présidentiel) où le président de la République croit avoir droit de vie et de mort sur la nation. Dans cette perspective, il paraît évident qu’il existe en Algérie un déficit chronique en matière d’équilibre des pouvoirs, dans la mesure où ce présidentialisme (sorte de technologie constitutionnelle artisanale de pays encore rivés au sous-développement politique) ; ce, par la grâce d’une gérontocratie qui n’a de grand qu’une rhétorique démesurée et une attitude arrogante dont le populisme est le moindre mal.

Constitution et projet de société

            Le système politique algérien qui repose sur un déséquilibre institutionnel établi au profit du président de la République sans contrepoids réel (si ce n’est en coulisses par les «décideurs politiques» qui demeurent ses bailleurs de pouvoir) devrait évoluer vers un Parlement qui reflète un pluralisme politique authentique, une magistrature indépendante, une presse libre et une société civile structurée. En effet, pour prévenir des risques certains de l’autoritarisme et de l’arbitraire, les éléments que j’ai évoqués constituent le meilleur rempart afin de tempérer les abus d’un Exécutif envahissant. Il est vrai, à cet égard, que la société civile a été longtemps privée de son droit légitime à l’expression sous toutes ses formes, alors même qu’elle constitue par essence le vivier naturel pourvoyeur du personnel politique à même de décider du devenir de l’Algérie.

            Principal acteur de la vie politique, la direction de l’armée - alors Conseil de la révolution - a conçu l’Etat en lui assignant un rôle majeur comme principal entrepreneur, banquier, employeur... Dans cette perspective, elle s’est constituée en structure gouvernante en s’attribuant des postes-clés dans l’ensemble des rouages du pouvoir d’Etat, se transformant en caste dominante sur l’échiquier et agissant tantôt de façon autonome (Conseil de la révolution), tantôt sous le couvert d’une personnalité cooptée issue de ses rangs (cas des présidents algériens depuis la succession de feu Boumediène, hors le cas de Boudiaf). Le Ministère de la Défense nationale se révèle d’une importance capitale pour qui veut dominer l’échiquier politique longtemps assujetti à la pensée unique. Il reste ainsi évident que pour promouvoir davantage le concept de démocratie, les tenants du pouvoir gagneraient à réaménager cette institution qui demeure incontournable dans la vie politique algérienne. La réforme devrait consister en une professionnalisation en sorte que cette institution, nécessaire à la Défense nationale, puisse se consacrer avec sa haute hiérarchie à cette tâche dévolue au demeurant par la Loi fondamentale du pays. Et qui est loin d’être une sinécure (les cendres d’In Amenas sont encore chaudes)…

            Depuis longtemps, la question se pose de savoir comment la pensée politique algérienne va s’intégrer dans une autre logique ? En l’espèce, celle inaugurée par les orientations d’économie de marché et l’importance accordée de plus en plus au secteur privé dans l’ensemble des domaines, avec de nouvelles perspectives d’ordre politico-institutionnel suite à la remise en cause du parti unique (et davantage la pensée unique), la professionnalisation de l’armée, l’émergence de la société civile comme acteur de la vie publique du pays... et d’ordre technico-juridique, notamment l’utilisation d’autres règles constitutionnelles telles que la séparation des pouvoirs et le respect des droits de l’homme et des libertés individuelles et publiques dont celle d’expression, primordiale d’entre toutes. Les douloureux « événements » d’octobre 1988 ont pourtant donné aux tenants des réformes l’occasion de démocratiser la vie publique dont les citoyens auraient été les acteurs conscients ayant le libre choix de leurs gouvernants à travers la constitutionnalisation du multipartisme. La société civile - comme l’a montré ce que d’aucuns ont qualifié de « printemps arabe »- doit devenir l’acteur principal de la vie politique car détentrice de la souveraineté qu’elle délègue à ses représentants élus : Président de la République, Parlementaires, Maires.

            C’est sans doute là que réside la réponse à la fin de la « crise » que vit le pays qui subit un pouvoir en mal permanent de légitimité. Il devient en effet évident que les ressources politiques antérieures (le nationalisme et le populisme aux lieu et place du patriotisme et du débat contradictoire) ne suffisent plus face aux défaillances d’un système productif d’une bureaucratisation à outrance faisant le lit de la corruption à grande échelle (y compris au sommet de l’Etat), d’un fort taux de chômage de la jeunesse, d’une austérité pesante même à l’heure de « l’aisance financière », d’une paupérisation englobant les couches moyennes de la société, d’une clochardisation des cadres - y compris au prix de leur injuste incarcération -, d’une inflation qui court après le marché informel de la devise et autres produits de l’importation, d’un dessaisissement de l’Etat d’attributs économiques sans contrepoids réel de contrôle de la sphère économique par celui-ci...

            Dans ces conditions, pour permettre l’effectivité de la légitimation du pouvoir avec à la clé un véritable projet de société d’où découlera un programme économique et une politique culturelle et de communication efficiente, toute révision constitutionnelle (voire plutôt nouvelle et durable Constitution) se doit d’être convaincante par des arguments pertinents. Outre la limitation du nombre des mandats présidentiels -que les tenants du pouvoir ignorent superbement- avec pluralité de candidats représentant les tendances de la carte politique du pays et non les serviteurs du système, il y aura lieu d’inclure la responsabilisation du Chef de l’Etat et celle efficiente du gouvernement devant l’Assemblée. Si l’Algérie opte pour un régime parlementaire, le gouvernement aura à sa tête un Premier ministre désigné par le président de la République au vu de la majorité effectivement élue.

            Bien entendu, cette option ne devra pas occulter la réflexion sur la l’utilité de la dyarchie au sommet et sur le bicaméralisme comme exposé supra. Car l’autre option demeure, à savoir adapter le régime présidentiel où le chef de l’Etat conserve cette prérogative, c’est-à-dire celle d’être la seule tête de l’Exécutif avec élection (et non désignation) d’un vice-président (auquel pourraient être confiées certaines missions, mais également pour pallier les cas de vacance de pouvoir, en cas de maladie notamment comme semble être actuellement le cas) et délégation de pouvoir assez élargie pour les membres du gouvernement responsables devant les élus du peuple siégeant au Parlement. Ce sera un choix assumé pour rompre avec le présidentialisme en vogue en Algérie.

            Ainsi, pourra être réalisé un contrôle de la politique de l’Exécutif, donc celle du chef de l’Etat ès qualité de premier responsable de la vie politique du pays. Ce, car il bénéficie de pouvoirs importants : il est le chef suprême de toutes les forces armées de la République (ministre de la Défense nationale) ; il nomme le chef du gouvernement ; il pourvoit à tous les postes civils et militaires... Il dispose donc de tous les postes pourvus à ce jour par une élite faisant partie de la nomenklatura davantage que de la société civile militant dans des partis politiques, des syndicats, des ONG et des associations. Il est vrai qu’au regard des dispositions constitutionnelles actuelles, sa responsabilité n’est à aucun moment mise en cause si ce n’est à travers le premier ministre qu’il nomme et destitue comme il le ferait avec un quelconque haut fonctionnaire. Et surtout, le président de la République conserve l’initiative de la loi concurremment au Parlement, donc pouvant court-circuiter celui-ci en légiférant par voie d’ordonnances qui devrait garder son caractère d’exception.

            Et dans l’édifice constitutionnel, si les partis politiques ne sont pas considérés comme en faisant partie, ils demeurent des éléments nécessaires à la vie politique. A cet égard, le multipartisme doit-il signifier une myriade de formations ?  Il me semble que, compte tenu de l’orientation à insuffler au système politique (qui pourrait inaugurer l’ère d’une deuxième République), la réforme en la matière serait une solution qui pourrait aboutir soit à un bipartisme suite à la fédération de diverses tendances politiques (selon un schéma classique : parlementaire comme c’est le cas de la Grande-Bretagne avec les conservateurs et les travaillistes ou présidentiel avec les républicains et les démocrates, comme c’est le cas aux Etats-Unis) ou à un multipartisme (selon un autre schéma : régime qualifié de « semi- parlementaire » ou « semi-présidentiel » où l’essentiel du pouvoir demeure aux mains du seul président de la République dont le Premier ministre apparaît souvent comme un tampon entre lui et les autres institutions (principalement le Parlement) et comme un fusible pratique lors de mécontentements réitérés de la population.

            Dans cette perspective, l’aspiration à la démocratie, conçue comme moyen de résolution de la question du pouvoir autrement que par la violence, ne peut tolérer longtemps l’étouffement des libertés publiques et du droit à l’expression par l’incarcération des journalistes et la marginalisation des hommes de pensée et de culture (comme on l’observe régulièrement dans notre continent africain) avec, comme corollaire, l’existence de forces politiques autonomes (partis politiques, syndicats, ONG, associations) ayant leurs propres canaux de communication avec les citoyens (la télévision algérienne ayant vocation à être un véritable service public ouvert à tous et à toute forme de communication, y compris celle parfois impertinente). Ce faisant, le système politique doit être réaménagé en profondeur si l’on veut éviter d’autres explosions populaires qui demeurent le seul mode d’expression du mécontentement. Car à force d’étouffer les révolutions pacifiques, la violence risque de s’installer durablement comme elle l’a été dans un passé récent. Et avec elle, l’autre violence : la corruption dont les tenants ne se cachent plus pour vivre de façon ostentatoire (nouvelles féodalités politiques et économiques) et les différenciations socio-économiques flagrantes dues principalement à une répartition inéquitable du revenu national qui engendrent maintes frustrations, singulièrement du point de vue du logement et de l’emploi. L’originalité serait donc l’assimilation critique des notions de la modernité, de la démocratie, des droits de l’homme de la femme et de l’enfant, de l’alternance politique, de la liberté d’expression, du débat démocratique contradictoire et du respect de l’opinion de l’autre ; d’où l’urgence pédagogique qui consiste à permettre aux citoyens de se gouverner plutôt que d’être gouvernés, au moins à partir d’un choix facilité par le suffrage organisé de façon crédible, durable et honnête.

Pour une deuxième République algérienne

            La problématique demeure la même depuis l’indépendance, face à l’absence de légitimité et au déficit chronique de démocratie : comment (ré)concilier les Algériens avec les impératifs de développement politique (l’exercice de la démocratie comme moyen politique à même de promouvoir la légitimité du pouvoir), le développement économique (impulser une politique efficace de l’investissement et rentabiliser le parc industriel existant dans le cadre d’une économie de marché encadré, et par-dessus tout remettre à flots l’agriculture pour assurer l’autosuffisance alimentaire), le développement social (l’émancipation des travailleurs avec la mise en place d’une législation sociale plus conforme), le développement culturel (renouveau linguistique et remise à flots des créateurs dans l’ensemble des domaines artistiques) et la justice sociale conçue comme pierre d’angle de tout projet de société cohérent. Ainsi, la légitimité  reposera sur la capacité du gouvernement à régler les problèmes des citoyens et à tolérer l’esprit critique (parfois caustique) de la presse conçue comme moyen majeur de communication au service de la société et non d’intérêts d’un régime, fut-il des plus progressistes.

            La solution possible, c’est la participation effective des citoyens à la gestion de la cité. En un mot comme en cent : instaurer une démocratie qui ne soit pas l’exclusif de la minorité au pouvoir, éviter que les hautes hiérarchies de tous les appareils d’Etat ne continuent de se reconstituer en clans et réseaux dominants qui verrouillent à chaque fois le système à seul dessein de servir leurs intérêts par une corruption endémique. En un mot comme en cent : des réformes sous-tendues par la Constitution conçue comme Loi fondamentale et non comme un fait de prince. Il est vrai que l'Algérie se révèle un véritable livre de sociologie à ciel ouvert, voire un immense divan à coeur ouvert. Il est vrai également que dans nos villes règne -outre une immense tristesse- une ambiance de sous-développement observable à l'oeil nu : désoeuvrement manifeste des jeunes, transport urbain des plus sommaires, immeubles vétustes à côté de constructions quasi-pharaoniques... D'où l'urgence de revoir les principes de cette doctrine et de réviser la pratique politique suivie à ce jour. Ci-après quelques propositions.

Remplacer la « légitimité révolutionnaire » par la compétence


            Après l'expérience autogestionnaire de feu Ben Bella, le Conseil de la révolution institué par la proclamation du 19 juin 1965 avait entendu «rétablir la légitimité révolutionnaire» par la réorganisation de l'Etat avec maintien de l'option «irréversible» du socialisme. Cette proclamation de foi n'a pas résisté à l'épreuve des faits. Le violent réquisitoire établi par feu Boumediene a perdu de sa signification tant il s'avère que la pratique politique suivie par le Conseil de la révolution, conçu comme structure gouvernante, fut davantage la représentation des intérêts d'une caste (une oligarchie constituée par les «seigneurs de la guerre») que l'expression de l'intérêt national.

 
            Après avoir rompu le cours de la légitimité constitutionnelle établie par la Constitution de 1963, ce Conseil s'est prévalu de la «légitimité révolutionnaire» ayant abouti à l'institutionnalisation d'un pouvoir central avec hégémonie du président de la République, ministre de la Défense nationale, secrétaire général du FLN de fait et législateur par voie d'ordonnances. La personnalisation du pouvoir est reconstruite autour de cette «légitimité» préfigurant ainsi les effets nuisibles de la stratégie de développement suivie alors : endettement excessif entraînant une dépendance financière certaine avec un mal développement visible, tensions sociales à l'intérieur (grèves des ouvriers et des étudiants), économie grippée (l'agriculture n'ayant pas eu les faveurs du régime et l'industrie n'ayant pas subi les effets d'entraînement escomptés), marasme culturel et interrogations sur l'histoire algérienne et l'identité nationale évacuées sine die.

            Aujourd'hui, nous sommes à tout le moins face à un pouvoir autant autiste qu’empreint d'autoritarisme. D'aucuns thuriféraires pourraient penser du système politique algérien qu'il s'agit là d'un processus pragmatique ayant abouti à l'élaboration de la charte nationale analysée comme un programme de gouvernement et la promulgation d'une constitution aux fins de légitimation. Ainsi, la «légitimité constitutionnelle» aurait succédé à «légitimité révolutionnaire». Or, ces textes ont cristallisé l'unicité partisane comme pierre d'angle du système politique algérien, la Direction de l'Armée jouant un rôle politique majeur (les membres du Conseil de la Révolution ont tous siégé ipso facto au bureau politique du FLN).


            Et la pratique politique et les diverses Constitutions algériennes consacrent le président de la République comme le véritable détenteur du pouvoir, sans de véritables contre-pouvoirs apparents. La participation démocratique des citoyens à la gestion des affaires publiques est réduite à la portion congrue. Nous sommes en présence d'un capitalisme d'Etat périphérique dirigé par une techno-bureaucratie civile et militaire où le chef de l'Etat est titulaire d'impressionnantes attributions. L'intronisation de feu Chadli Bendjedid, alors primus inter pares, par la direction de l'armée et du FLN comme candidat unique à la présidence de la République, consacre la confusion des pouvoirs en vue de l'appropriation de la principale rente énergétique du pays par la haute hiérarchie du complexe militaro-bureaucratique constituée en technostructure gouvernante illégitime. La situation n'a pas été fondamentalement modifiée nonobstant l'appel à feu Mohamed Boudiaf dont le projet fut caractérisé par l'idée de restauration de l'autorité de l'Etat, de rupture radicale avec les hommes et les pratiques de l'ancien système, de prise en charge des problèmes sociaux les plus aigus et de l'espoir à redonner aux jeunes. Son thème de prédilection -la corruption- (qui lui coûta la vie ?) est clairement affiché. Feu Mostefa Lacheraf a pu dire de lui : «Les critiques envisagées dans le projet de Boudiaf ne pouvaient satisfaire ni le pouvoir succédant au grand disparu, ni les groupes politico-religieux». La situation n'a pas plus radicalement changé avec ses successeurs, les compétences nationales continuant à être marginalisées.

Mettre fin au populisme et au culte de la personnalité


            Le populisme et le culte de la personnalité semblent être les caractéristiques dominantes du pouvoir algérien. Les bailleurs du pouvoir s'accommodent de l'état résiduel de la démocratie en Algérie alors que la corruption d’Etat s'étale désormais à ciel ouvert. Les élections qui s'y succèdent confortent davantage l'illégitimité du pouvoir. Ainsi, l'Algérie a continué en vain d'épuiser plusieurs régimes en vue de résoudre l'équation quasi-inamovible du pouvoir, les ressources politiques antérieures (le nationalisme et le populisme) ne suffisant plus pour pallier les carences en démocratie. Que faire face aux défaillances du système productif : bureaucratisation à outrance, fort taux de chômage, austérité pesante, paupérisation englobant les couches moyennes de la société, clochardisation des cadres, inflation qui court après le marché informel de la devise, dessaisissement de l'Etat d'attributs économiques sans contrepoids réel de contrôle de la sphère économique par celui-ci, gestion dominée par le phénomène de la corruption, du bazar et de la rente (il faut désormais ajouter la « planche à billets » annonciatrice d’une forte inflation) ? In fine, comment résoudre la question du pouvoir en Algérie afin d'assurer une légitimité aux gouvernants et conférer une assise définitive et durable aux institutions et aux hommes et femmes qui les dirigent ? Comment s'inscrire dans la remise en cause de la pensée unique, la dépolitisation de l'armée par sa professionnalisation, l'émergence de la société civile comme acteur de la vie publique du pays ? Comment faire usage de nouvelles règles constitutionnelles telles que la séparation des pouvoirs et le respect des droits de l'homme et des libertés individuelles et publiques ?

 
            Telle est la problématique en vue de débarrasser l'Algérie de l'idéologie obsolète enrobée de «légitimité révolutionnaire » tant notre pays a été sévèrement malmené par nos tyranneaux qui cultivent à satiété le culte de la personnalité et pratiquent à foison le populisme. Depuis les «événements» d'octobre 88, l'Algérie est en quête d'une nouvelle légitimité par une recomposition du champ politique caractérisé par un pluralisme politique jusque là contrôlé, sur fond de paupérisation et d'extraversion du système économique. En vain, feu M'Hammed Yazid a pu plaider pour l'“élimination” du marché politique des gens de sa génération. Par son caractère récidivant, cette situation s'apparente à du présidentialisme où le président de la République demeure constitutionnellement la clé de voûte des institutions politiques du pays. Nous sommes toujours face à un sous-développement politique chronique par la grâce d'une gérontocratie qui use d'une rhétorique démesurée et affiche une attitude arrogante et un populisme à tout crin. En effet, le système politique algérien repose toujours sur un déséquilibre institutionnel établi au profit du président de la République sans contrepoids réel, à savoir : un Parlement qui reflète un pluralisme politique authentique, une Magistrature indépendante, une Presse libre et une Société civile structurée. Cette déviation du régime présidentiel génère l'autoritarisme et l'arbitraire. Il est vrai, comme précisé supra, que les Constitutions algériennes consacrent le président de la République comme chef réel du Gouvernement, chef suprême des Armées et de l'Administration. La pratique politique depuis octobre 88 n'a pas modifié cette donnée puisque cette situation a perduré du fait de l'aménagement du pluralisme octroyé, suite à la période du monopartisme, en système de parti dominant.

Remettre en cause l’Etat de l’état d’urgence


            Pour rappel, l'Etat algérien a proclamé l'état de siège en juin 1991 et plus tard l'état d'urgence en 1992. C'est ainsi que, courant février 1992, cet état a été reconduit d'année en année. Question : l'état d'urgence peut-il se justifier par le gouvernement algérien ? Si risque il y avait alors, pouvait-il constituer à lui seul un péril imminent sur la nation sachant que, par hypothèse, l'Etat a les moyens légaux pour éventuellement y faire face relativement au maintien de l'ordre public ? Faut-il stopper le processus de démocratisation de la vie politique pour maîtriser la situation et déroger ainsi aux droits fondamentaux de l'homme ? Il me semble que l'Etat dispose de la police et de l'armée, ainsi que de l'Administration et de la Justice (voire de la radio et de la télévision) pour maintenir l'ordre public sans avoir recours sine die à l'état d'urgence et la mise en veilleuse des libertés. De même, l'Etat dispose de moyens d'action légaux ; ainsi, la Constitution de 1989 (et les Constitutions subséquentes) attribue suffisamment de prérogatives au président de la République pour éviter tout péril imminent de la nation. Il peut, entre autres, dissoudre l'assemblée nationale élue et légiférer par voie d'ordonnances.


            Durant l'état d'urgence, une donnée majeure et permanente : l'emprise du chef de l'Etat sur toutes les institutions. En ce sens, l'Algérie a construit une forme de césarisme comme sus-exposé qui a verrouillé tout droit à l'expression à l'opposition. Sous feu Bendjedid, une forme de multipartisme a été octroyé pour générer un système de parti dominant ; ce, conjugué à la pratique d’un libéralisme débridé ayant contribué à la constitution de fortunes financières, immobilières et foncières. Sans rupture déterminante (la Constitution de 1996 ayant eu tout de même le mérite de consacrer sur le texte l'alternance au pouvoir par la limitation des mandats présidentiels à deux quinquennats. La Constitution de 2008 a mis fin à la limitation de la durée des mandats présidentiels et à l'alternance au pouvoir préfigurant l'Etat de droit. Désormais, l'Algérie a vocation à devenir une monarchie avec à sa tête un autocrate confirmé par des élections aussi formelles qu'inutiles, avec l'assentiment de la « grande muette ».


 

Congédier l’oligarchie au pouvoir


            Le système politique algérien, défini comme une oligarchie, laisse transparaître un pouvoir politique fondé sur la prééminence de quelques « décideurs » qui s’affirment comme des ploutocrates ayant  érigé la corruption en mode de gouvernance. Dans ce contexte sont apparues de plus en plus des affaires politico-judiciaires : Banque commerciale et industrielle d'Algérie (BCIA), Affaire Khalifa, Sonatrach et tant de scandales financiers liés tantôt au secteur des hydrocarbures comme principale valeur du pays, tantôt au secteur de l'immobilier et du foncier... Dans ce même contexte, le Trésor public est géré comme une tirelire personnelle selon les caprices des princes du moment et les principaux rouages de l'Etat (gouvernement, assemblée, armée, partis...) sont exclusivement aux mains de la gérontocratie.

Que faire ?

            Réformer sérieusement et d'urgence le système politique algérien et mettre aux orties la pensée unique et l'idée de parti dominant toujours en vogue (y compris sous forme d’ »alliance présidentielle »), la quasi absence de l'opposition sur la scène confirmant le déficit démocratique en Algérie. Aussi, comme exposé supra, il faut avoir l'audace de s'engager dans la voie de la réforme du système politique pour redessiner le profil des institutions politiques algériennes et redéfinir les prérogatives de celles-ci en vue d'asseoir un équilibre des pouvoirs. Dans cette perspective, il y a lieu de mettre un terme à un exécutif inutilement bicéphale (la dyarchie Président de la République/Premier ministre) et de consacrer l'équilibre des pouvoirs afin d'éviter de s'enfermer dans un schéma d'autoritarisme caractérisé. Ce faisant, procéder à l'institutionnalisation d'un réel contre-pouvoir au sein des institutions de l'Etat, permettre à la société civile de veiller aux droits de l'homme et à la construction de l'Etat de droit et à la liberté d'expression (presse et culture, faire bénéficier le Parlement de prérogatives à même de lui permettre de contrôler de façon efficiente la politique du gouvernement franchement dirigé par le président de la République, s'interroger légitimement sur l'existence d'une seconde chambre et permettre la mise en place de commissions d'enquêtes (par exemple concernant les affaires de corruption). En un mot comme en cent, mettre fin au système reposant sur les «décideurs politiques» qui demeurent des bailleurs de pouvoir.

 

Quel projet politique pour le prochain cinquantenaire ?

Opter pour un nouveau système politique

            Cinquante ans après l'indépendance, est-il encore concevable de vivre sous la férule d'une oligarchie aux allures autocratiques ? Non. Pour y parvenir, outre les propositions sus-évoquées, d'autres mesures seraient les bienvenues afin d’élaborer un projet politique pour le prochain cinquantenaire. Ainsi, le président de la République doit être responsable de sa politique en sa qualité de chef suprême de toutes les forces armées de la République et de chef réel du gouvernement qui  pourvoit à tous les postes civils et militaires ... Outre que la réforme à envisager doit concerner la limitation des mandats limités à deux quinquennats, elle doit pouvoir mettre fin au pouvoir personnel par la concentration de pouvoirs exorbitants entre les mains d'une seule et même personne. De même, il y a lieu de déléguer suffisamment de pouvoirs aux membres du gouvernement qui seront directement responsables devant les élus du peuple siégeant au Parlement. Ainsi, sera réalisé un contrôle de la politique de l'Exécutif, donc celle du chef de l'Etat ès qualité de premier responsable de la vie politique du pays. L'opposition, même insuffisamment structurée, ne sera plus aphasique ; davantage encore la société civile muselée depuis l'indépendance «confisquée».

            Mettre donc fin au déséquilibre institutionnel établi au profit du seul président de la République qui apparaît comme un véritable monarque présidentiel coopté par un cercle restreint de décideurs. Il y a là une forme d'autocratie présidentielle opérée par les bailleurs de pouvoir se disputant la décision. Pourquoi donc ne pas opter franchement pour un régime politique où le chef de l'Etat est la seule tête de l'Exécutif (le cas échéant, secondé par un vice-président élu) ? Dans ce contexte institutionnel et politique, le Parlement doit être un contrepoids à l'arbitraire de l'Exécutif. De même, il est à regretter que l'Algérie n'ait pas cru devoir explorer la donne de la régionalisation en tant que forme organisationnelle intermédiaire entre l'Etat et les collectivités locales. Enfin, remercier dans tous les sens de ce vocable la gérontocratie au pouvoir qui fait de son passé un fonds de commerce laissé royalement en héritage à sa progéniture ; ce, avec l'appui d'une technocratie au service d'une structure gouvernante (en l'espèce, de hauts fonctionnaires délégués à des fonctions politiques) et en instrumentalisant l'Armée pour renflouer sa légitimité et son maintien au pouvoir.

            Tant d'affaires de corruption ont été révélées au public sans qu'il ait été possible à la Justice d'agir de façon efficiente afin de pouvoir condamner ceux qui mettent en danger et le pays et son économie, notamment parmi eux ceux qui ont exercé une responsabilité politique importante. Avec une magistrature réellement indépendante de l'exécutif, il est possible d'exercer sans entraves la justice au quotidien (y compris à l'égard des puissants par l'argent et/ou par l'influence politique). Et l'urgence également d'avoir une presse libre à même de permettre le pluralisme des opinions, les investigations journalistiques et l'esprit critique avec des médias affranchis de toute tutelle. L'audiovisuel doit être structuré en authentique service public. Ainsi, pourra avoir lieu un débat politique contradictoire du binôme pouvoir-opposition à travers les médias publics et privés en bénéficiant d'une liberté d'expression non soumise aux desiderata du chef du moment. Il y va de notre développement politique qui reposera alors sur l'exercice de la démocratie choisie comme moyen et cadre à même de promouvoir la légitimité et l'exercice du pouvoir.

            Dans ce contexte également, l'armée doit pouvoir se réformer par sa professionnalisation et en se modernisant. Historiquement, elle s'est constituée en structure gouvernante en s'attribuant les principaux postes-clés dans l'ensemble des rouages de l'Etat. Elle est devenue mutatis mutandis une caste à part en détenant le pouvoir à la fois politique et économique (le cas de l'Egypte est patent). Après les coups d'Etat opérés tant au Maghreb (Algérie) qu'au Machrèq (Syrie), les directions militaires étendent en effet leurs privilèges corporatifs (budget, traitements et équipement). Ayant ainsi acquis un statut social élevé et une part importante du revenu national, elles deviennent une structure gouvernante. Aussi pendant longtemps, il n'a pas été question d'une Armée apolitique. C'est là une réforme à envisager pour faire de l'Armée une « grande muette » comme l'un des principes majeurs des démocraties modernes. Principale pourvoyeuse de présidents de la République depuis l'indépendance, la direction de l'armée s'est révélée un acteur principal de la vie politique algérienne. Dans cette perspective, elle s'est attribuée des postes-clés dans l'ensemble des rouages du pouvoir d'Etat ; elle doit pouvoir elle-même refuser d'intervenir dans la sphère politique afin d’éviter de cautionner toute politique minée par la corruption.

Concevoir une nouvelle politique économique

            Les hydrocarbures constituent toujours la presque totalité des exportations de l'Algérie, le budget de l'Etat dépendant pratiquement du pétrole et du gaz. Marqué par un économisme technocratique, le projet de développement basé sur la théorie des industries industrialisantes demeure caractérisé par le volontarisme politique du régime issu du 19 juin 1965. La plus grande partie des projets à caractère industriel a été concrétisée en étroite collaboration avec le marché financier international et les sociétés multinationales. Aux lieu et place du « socialisme spécifique », l'Algérie a abouti à une forme de capitalisme d'Etat périphérique et accentua cette tendance avec un nouveau discours centré sur le libéralisme, débridé au demeurant. Au « gigantisme industriel », on préféra la “restructuration”, c'est-à-dire le morcellement des grandes entreprises d'Etat ; ce, dans un contexte caractérisé par la faiblesse du marché pétrolier et la baisse des prix mondiaux du brut. Nous sommes de nouveau confrontés à cette situation avec une austérité sévère et une inflation à l’horizon (avec la « planche à billets ») dont les principales victimes seront les Algériens d’en bas qui constituent à l’évidence la majorité de notre Pays.

            Depuis 1979, discipline et austérité reviennent en effet comme un leitmotiv. Contre mauvaise fortune, le régime fait le diagnostic de ses propres turpitudes. C'est la banqueroute de l'économie rentière ? Les “pétrodollars” algériens vont finir par couvrir juste la facture alimentaire. Triste réalité économique. Le secteur de l'agriculture demeure encore un parent pauvre alors que le pays s'enlise davantage chaque année dans la dépendance alimentaire. Désormais, le bilan du pouvoir algérien fait ressortir les incohérences d'une stratégie et son coût social, la croissance des dépenses improductives, la non maîtrise de l'appareil productif, la formation de féodalités économiques et politiques (techno-bureaucratie civile et militaire), les dangers de l'extraversion et lahogra des masses en prime par les princes du moment. Ainsi, la Sonatrach continue d'être la vache à lait de la nation dominée par les barons du régime adeptes du «gré à gré» et éclaboussés par moult scandales politico-financiers, institutionnalisant de facto la corruption et l'affairisme d'Etat comme moyens de gouvernance. Désormais, s'étalent au grand jour les différenciations sociales jusqu'ici inégalées, y compris chez les couches moyennes. Vaille que vaille, aux lieu et place d’une politique sociale claire et efficiente, l'Etat continue à acheter la paix sociale par une distribution tous azimuts d'une partie des « pétrodollars » et à bientôt sans doute à gérer l'endettement futur qui aboutira au rééchelonnement et à l'application derechef de l'ajustement structurel qu’imposera le FMI avec pour effets des mesures draconiennes : davantage encore de privatisation des entreprises du secteur public avec son cortège insoutenable de licenciements collectifs et leurs inévitables drames personnels et familiaux (divorces et suicides notamment), libéralisation du commerce intérieur et extérieur avec pour corollaire la libéralisation des prix qui aboutit à leur flambée et à l’importation comme solution de facilité aux lieu et place d’une audacieuse politique économique favorisant la production nationale...

            Les Gouvernements successifs de Benbitour, Benflis, Ouyahia et Belkhadem (y compris l’intermède Tebboune) deviennent davantage des gestionnaires que des concepteurs d'une nouvelle politique économique. Face à ces difficultés d'ordre socio-économique ayant durablement affecté les citoyens, l'« après-pétrole » apparaît ainsi telle une chimère de gouvernants au service de rois fainéants. En l'absence d'une politique économique crédible, la question se pose de savoir si l'option mise sur les hydrocarbures, les rééchelonnements et l'opération de privatisation constituent un atout certain en vue d'aboutir à une situation assainie de l'économie algérienne. La question se pose avec d'autant plus d'acuité que d'autres pays ayant tenté l'aventure du “tout privatisable” ont seulement permis à des “professionnels de l'économie de l'ombre” de prospérer et de mettre leurs pays en coupe réglée. Ainsi, dans le cas de la Russie, “Ils sont sept prédateurs à s'être partagé la Russie. Sept barons dont on murmure qu'ils font et défont les lois, nomment les ministres, quand ce n'est pas le président lui-même (...) ; ces nouveaux magnats russes qui contrôlent plus de 250 sociétés et ont construit en un temps record des fortunes colossales, à la limite de la légalité. Pétrole, médias, télécoms, métaux, mines, automobile, en cinq ans, les secteurs les plus juteux ont été soigneusement quadrillés, le gâteau méthodiquement partagé avec la complicité de vieilles amitiés, quant ce n'est pas celle d'intérêts mafieux » (Le nouvel Economiste” du 27/02/98 ). L'Algérie n’a-t-elle pas déjà subi le même sort ?

Contribuer à l’émergence de la société civile

            Depuis octobre 88, il y a un recul notable de la peur des Algériens cantonnés pour beaucoup jusqu'alors à la défensive. Ils refusent désormais la résolution d'une fraction du pouvoir qui cherche à s'y maintenir au prix de n'importe quelle compromission, sous couvert d'une apparente liberté d'expression savamment distillée et contrôlée. A cet égard, il est manifeste, en Algérie, que la société réelle (ou société civile) vit sous le joug de la société légale (la société au pouvoir), cette dernière continuant de gouverner sous le signe de l'illégitimité et le sceau du monopole de la violence. Ce, alors que la société civile doit pouvoir devenir le principal pourvoyeur du personnel politique appelée à gouverner l'Algérie. Tel doit être l'objectif prioritaire, en vue d'éliminer tout esprit extrémiste ayant pour credo la violence ou la torture comme mode d'orientation de la conscience nationale. La société civile doit conquérir ses lettres de noblesse en supplantant toute velléité de dictature militaire ou spirituelle. Dire non à la gérontocratie gouvernante en négociant avec la société légale (celle-là même qui légifère en son nom) pour lui signifier son congédiement et la société partisane (les différentes formations politiques toutes tendances confondues) qui sollicite ses voix et les obtient par truquage des urnes. C'est à ce prix que la société civile aura procédé à la rupture d'avec la stratégie défensive qui l'a jusqu'ici caractérisée.

            Cette solution, qui ne saurait être l'œuvre ni d'un homme providentiel ni d'une gérontocratie gouvernante, peut permettre la naissance d'une pensée politique expurgée de toutes les scories du passé. Surtout que la société civile ne s'oppose ni à la société militaire (sauf en ce qu'elle a de répressif et lorsqu'elle est instrumentalisée par des politiciens véreux à leurs corps défendant), ni à la société spirituelle (excepté lorsque celle-ci cherche à lui imposer un mode de pensée et de comportement dont elle n'a nullement besoin). Et cette société civile est dominée par la jeunesse algérienne qui constitue la véritable majorité en Algérie et le premier politique en Algérie (Hizb Echabab). A cet égard, il est naturel de bénéficier de l'expérience d'hommes politiques sages et assagis par l'âge, mais vouloir instaurer un système politique où les principaux rouages de l'Etat (gouvernement, assemblée, armée, partis …) sont exclusivement aux mains de la gérontocratie est suicidaire eu égard à cette donnée.

 

 

Réfléchir à une synthèse entre tradition et modernité

            Du point de vue de l'anthropologie politique, l'Islam peut être observé comme une révolution dès lors qu'il est apparu pour mettre fin à une époque où les rivalités tribales transformaient la société en une arène de combat où l'emportait la morale de l'intérêt sur l'éthique de la justice. Et force est d'observer que les conflits dominent l'histoire islamique, la grande discorde (el-fitna el-kobra) en est la plus tristement célèbre. Ainsi, dès l'origine, le pouvoir fut au centre des préoccupations des tribus intéressées par ces conflits, délaissant le champ de la pensée, notamment en matière de droit public pouvant servir de fondement à une théorie politique (voire à une théorie générale du pouvoir), voire à une pensée politique avec une volonté réelle d'émancipation moderne de la cité. Dans l'historiographie musulmane, le califat fut le mode de gouvernement adopté : à l'Imam le leadership religieux et politique. En réalité, au regard même du Fiqh, le Coran et la Sunna laissent le libre choix aux musulmans du système politique au sens d'organisation sociale (« amroukoum choura baynakoum »).

            Le Coran ne dit-il pas en effet : «Dieu ne modifie rien en un pays avant que celui-ci ne change ce qui est en lui» (XIII, 11). Aussi, plutôt que de se perdre dans les aspects formels de l'Islam, il serait sans doute profitable de se référer à El-Ijtihad(l'effort intellectuel) appliqué au politique en faisant appel à El-Aql (la raison) et El-Qyas (la logique). Ainsi, si le pouvoir religieux émane de Dieu, le pouvoir politique relève de la volonté de l'homme dans sa tentative d'organiser la cité; donc de la société civile. Au-delà de l'aspect spirituel, l'islam politique tente de  mettre en oeuvre un projet politique en se référant au texte coranique. En ce sens, l'islamisme rejette la rupture d'avec le sacré et la modernité conçue comme un facteur exogène à l’Islam. Sans doute que le ressentiment des Musulmans est historiquement justifié ; toutefois, l'attitude de rejet permet-elle un dialogue fécond ? A en croire Laroui, ce néo-Islam est« le reflet de la crise historique que vit la société arabe sans en être à aucun moment la solution». Comment donc réfléchir à une synthèse entre tradition et modernité par le moyen d'une pensée à base d'analyse critique ? Comment faire l'économie de la violence comme tentative de résolution de la question du pouvoir ? Comment analyser le substrat intellectuel et spirituel de l'Islam, notamment au Maghreb ? C'est sans doute l'Ijtihad, l'effort intellectuel, qui devrait permettre de nouveau l'accès à la Civilisation par l'appropriation de l'esprit scientifique. Pourrions-nous, en effet, nous affranchir de l'analyse critique de l'apport des pays les plus développés en la matière, ces derniers étant conçus comme un vaste laboratoire qui s'étend sur plusieurs continents (y compris en Chine et, de plus en plus, la Chine) ?

Assumer l’Algérianité et l’Algérianophonie

            Officiellement, il y a des «constantes nationales» (amazighité, arabité, islamité). N'est-il pas plus judicieux d'évoquer son algérianité avec son pendant, l'algérianophonie ? En effet, entre autres réflexions de nos prestigieux auteurs, celle de Malek Haddad pour qui la langue française est un «exil» et celle de Kateb Yacine pour qui elle constitue un «butin de guerre». La tentation est grande de rejeter le français, car langue de l'ex-colonisateur comme celle de l'adopter en tant que langue littéraire, technique et scientifique. D'évidence, si le choix est aisé pour l'arabophone, il l'est moins pour le francophone. Peut-être d'ailleurs devrait-on parler d'algérianophones ? Certes, le problème concerne l'ensemble des Algériens - et au-delà, des Maghrébins -, mais surtout l'élite qui s'exprime, dont notamment les écrivains, universitaires, journalistes, politiques...

            Le peuple, quant à lui, a tranché la question au quotidien : l'arabe (littéraire et dialectal) et le berbère (le kabyle, le chaoui, le m'zabi et le targui), compte tenu des brassages séculaires, sont de rigueur depuis plusieurs siècles. Pour le reste, la langue française qu'une partie de l'élite utilise pour des raisons d'ordre scientifique et/ou culturel, que faire ? Admettre celle-ci comme un moyen d'expression (notamment en matière de recherches universitaires par exemple) et comme un moyen permettant un apport quant au développement scientifique, technique et technologique ? En tout état de cause, la réponse à cette question dépend de notre capacité d'Algérianophones, d'une manière générale, et du pouvoir des arabophones et berbérophones, d'une façon particulière, à produire scientifiquement et culturellement des oeuvres suffisantes tant en quantité qu’en qualité.

            A cet égard, le bilinguisme (arabe/français) apparaît circonstanciel ; le bilanguisme (arabe et amazighe) se révèle plutôt structurel et constant. Aussi, il nous faut forger un appareil conceptuel à vocation culturelle et scientifique permettant l'affranchissement du moi national à l'égard de toute allégeance linguistique. A cet effet, la «bilinguisation» de la vie sociale et culturelle - au vu de notre volonté nationale et des résultats indigents fournis - ne saurait être regardée que comme palliatif nécessaire, mais dont l'échéance est inscrite dans le temps. Il est vrai que les nations puissantes agissant de plain-pied dans les décisions importantes de la communauté internationale (les Etats-Unis et l'Europe occidentale) ont leurs langues propres - parlées et écrites. Ces langues pouvant charrier d'ailleurs une idéologie de domination à divers titres : culturel, politique, diplomatique, économique, militaire et technologique…

            Au demeurant, les grandes nations ont une langue (voire des langues nationales), même lorsqu'elles veulent unir leur destin. Le cas de la CEE est plus que probant à cet égard. Il est vrai que les citoyens des pays modernes sont suffisamment alphabétisés et lettrés en grand nombre. Ils est constant également que ceux-ci parlent, écrivent et produisent dans le domaine littéraire (et, au-delà, dans les secteurs de la science et de la technologie) d'abord et essentiellement dans leur langue maternelle même quand ils ont deux ou plusieurs langues nationales. Beaucoup de nations civilisées ont deux ou plusieurs langues : Canada, Suisse et Belgique par exemple. A mon sens, l'Algérie est d'abord et avant tout algérianophone, c'est-à-dire arabophone et berbérophone. Que l'algérianité soit donc notre lieu d'expression où tous les auteurs peuvent se retrouver pour conjuguer leurs efforts en vue d'une culture nationale admettant le pluralisme linguistique et culturel à même de permettre à l'Algérie de s'intégrer dans le concert des nations dites civilisées.

Changer la condition de nos mères, sœurs, épouses et filles

            Cette insoutenable condition a été imposée par le code de la famille de 1984. L'économie du texte est la suivante : la polygamie sous réserve, la tutelle matrimoniale à l'égard de la fille (même majeure), la prohibition du mariage avec un non musulman pour la femme, le divorce comme faculté exclusive du mari (la répudiation), l'interdiction de l'adoption (tempérée toutefois par le système de la kafala ou recueil légal), l'absence de statut pour la mère célibataire et le droit à la moitié des parts en matière successorale. A titre comparatif, le Tunisie s'est doté d'un code dès 1956. Certes, empreint de mimétisme dans ses principales dispositions et en avance bien évidemment sur les pratiques sociales, la modernité en fut le levain.

            Au plan juridique, le statut de la femme tunisienne apparaît nettement valorisant et valorisé. Reste que l'écart entre la théorie et la pratique doit être mesuré. L'exemple le plus éloquent, à cet égard, est relatif à la polygamie. Or, la sourate 4, verset 3 est claire : “Epousez donc celles qui vous seront plaisantes par deux, par trois ou par quatre; mais si vous craignez de ne pas être équitables, prenez-en une seule”. La sourate 129 est tout aussi explicite : “Vous ne pourrez traiter équitablement toutes vos femmes, quand bien même vous le désireriez”. Autre question d'importance : la filiation qui est établie par le mariage valide (article 40) ; quid alors des enfants extraconjugaux, ceux dits naturels (voire plus rarement adultérins ou incestueux) ? Quel est le statut et quels sont les droits de ces enfants ? Enfin, l'adoption est interdite par la chari'â et la loi (article 46) ; toutefois, le chapitre VII sur la kafala (recueil légal) règle autrement cette question en 10 articles. Ainsi, l'article 116 dispose que :“Le recueil légal (kafala) est l'engagement de prendre bénévolement en charge l'entretien, l'éducation et la protection d'un enfant mineur au même titre que le ferait un père pour son fils. Il est établi par acte légal”.

            En matière de successions, le législateur algérien révèle sa capacité à adopter une législation compliquée alors qu'il lui est demandé de la simplifier. Pierre d'achoppement avec la société civile, le code de la famille datant de 1984 a été timidement réformé courant février 2005. Ainsi, parmi les nouvelles dispositions, le maintien de la polygamie assortie il est vrai du consentement de la première épouse (consentement vérifié par le juge). Cependant, il faut toujours à la femme un tuteur matrimonial pour le mariage même lorsqu'elle est majeure. Le cas échéant, ce rôle est assumé par le juge. S'agissant du mariage, la principale innovation concerne la suppression de la procuration à un tiers pour représenter l'époux et l'alignement de l'âge du mariage à 19 ans révolus pour l'homme et la femme. Concernant le divorce, l'époux est désormais tenu légalement d'assurer le logement à ses enfants mineurs avec la précision que l'épouse ne peut demander le divorce que dans des situations particulières, notamment pour infirmité sexuelle de l'époux, absence de plus d'une année sans motif valable, « pour toute faute morale gravement répréhensible établie »…De même, l'épouse peut se séparer de son conjoint, sans l'accord de celui-ci, moyennant le versement d'une somme…En matière de successions, il n'y a pas de changement.

            A titre comparatif, nos voisins ont pensé également à réformer cette situation. Ainsi, le Maroc a également modifié sa Mudawana (code du statut personnel) de façon plus substantielle ; ainsi, il y a consécration de l'égalité des droits, suppression du tutorat, coresponsabilité parentale… Cependant, il semblerait que le nouveau texte souffre d'application eu égard notamment aux mentalités empreintes de traditionalisme, encore tenaces chez les Juges et une partie des citoyennes marocaines. Ainsi, à titre illustratif, sur les 2186 demandes de mariage précoce déposées, 2140 ont été acceptées !(Jeune Afrique du 29/06/05)Et récemment, la Tunisie a annoncé l’égalité des deux sexes en matière de succession).

            Toujours est-il que l'Algérie doit s'engager résolument dans la voie de la réforme en vue d'aboutir à une deuxième République; ce, notamment en mettant fin au mythe de la « légitimité révolutionnaire », au populisme et au culte de la personnalité comme elle a semblé se départir de l'état d'urgence. Ce faisant, dépasser le système politique que l’on peut qualifier à la fois de stratocratie et d’oligarchie et congédier le « cercle des décideurs », réformer l'Etat et les institutions, permettre l'émergence d’une société civile autonome, revoir la place de l'Islam dans la société algérienne, assumer notre algérianité et l'algérianophonie et briser l'insoutenable condition de nos mères, sœurs, épouses et filles.